[Marché aux Puces de Vaise]

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localisation Bibliothèque municipale de Lyon / P0741 FIGRPT0065B 06
technique 1 photographie positive : tirage noir et blanc ; 18 x 24 cm (épr.)
historique Les Puces ont réussi leur entrée sur les terrains de Vaise. Les brocanteurs font des affaires, les chineurs sont à l'abri des mille misères de la Feyssine et pourtant ça grince encore. Les spécialistes des choses du passé ont des façons radicalement différentes d'envisager et l'avenir et leur métier. Il y a ceux qui veulent s'implanter à Vaise, définitivement. La perspective de réintégrer les terrains de Villeurbanne dès l'achèvement des travaux du périphérique nord, ne leur plaît plus du tout. Et puis, il y a les autres, ceux qui plaident pour une place forte et unie telle qu'elle est en train de s'esquisser non loin des Gratte-Ciel. Là, deux matins par semaine, des professionnels venus de toute l'Europe ont trouvé un nouveau lieu de rendez-vous.
historique Le loden et le mocassin ont nettement supplanté la parka et la basket fluo, les chenets de style Empire font un tabac et la tarte au sucre d'un boulanger futé est en train de détrôner certaines tropéziennes des Monts-d'Or. En sautant sur Vaise, les Puces ont rallié à leur cause une clientèle qui n'avait jamais osé le voyage vers la Feyssine, une clientèle qui vient d'inscrire la chine sur la carte de ses déambulations dominicales. Les marchands ont le sourire. Pas tous, évidemment, mais il y a comme une embellie, un rayon de bonne humeur chez ces grognons professionnels. Chassés de Villeurbanne pour cause de construction de périphérique nord, indemnisés et relogés sur Vaise pour patienter jusqu'à la fin des travaux du contournement, les brocanteurs se prennent même à rêver de sédentarité, d'installation définitive en bordure de Saône. En attendant la prochaine assemblée générale du Syndicat régional de l'antiquité et de l'occasion, avec la prudence qui caractérise toute présidence transitoire, Jean-Claude Dupont caresse le même espoir. "Il est encore trop tôt pour le dire, mais nous avons peut-être des chances de rester ici, ce serait bien. Nous pourrions envisager de faire à nouveau des foires, des manifestations à thème...". Dans leurs stands proprets et leurs allées lessivées de frais, certains marchands de Vaise se verraient bien rejoindre l'aristocratie de la brocante, ils s'inventeraient volontiers une nouvelle cité des antiquaires et éradiqueraient définitivement les petites bêtes sauteuses et piqueuses de leur univers comme de leur vocabulaire. Le marché où rien n'est gratuit excepté les puces, deviendrait le marché où tout est de plus en plus cher mais où on ne trouve plus de puces du tout. "Faux, répliquent d'autres brocanteurs, les chineurs, les curieux, trouveront toujours "leur compte chez nous. Ils savent depuis longtemps quel type d'objets ou de peintures il peuvent dénicher chez tel ou tel marchand. Ici, c'est plus confortable qu'à la Feyssine, mieux situé peut-être, c' est tout." Pourtant, la Cité des Antiquaires, la vraie, celle du boulevard Stalingrad, se fait un début de tracas. Il est certes bien trop tôt pour être péremptoire, mais il semble que la clientèle gagnée à Vaise, le soit aux dépens des antiquaires villeurbannais qui attendent les résultats de leur salon d'automne, à la mi-octobre, puis les débuts de l'année 1994 pour se prononcer sur leurs pertes ou leurs gains. Et à cette échéance-là, chacun devrait savoir si une implantation définitive des Puces sur Vaise a deux ou trois chances de concrétisation. La délibération municipale qui a donné existence au marché de Vaise, affirme cependant sans ambiguïté son caractère éphémère. C'est bien "en attendant le réaménagement définitif de La Feyssine" que les brocanteurs sont accueillis dans le quartier dit de l'Industrie. Fin 1995, au plus tard, tout le monde doit réintégrer la case départ dit le synopsis officiel, mais, en coulisses, d'autres scénaristes sont à l'oeuvre. Ainsi, la gestion actuelle semble devoir être pérennisée et plus que jamais confiée au cabinet Geoffroy avec des missions amplifiées. Mais lesquelles ? Entourées d'un épais brouillard, des discussions sont en cours et semblent tout aussi compliquées que le grand feuilleton du déménagement avec géographie variable, antipathies affichées et épisodes à rebondissements. Maintenant que chacun a sagement réintégré un stand, on s'aperçoit qu'il ne s'agit en rien d'une guerre des clans, mais de façons de vivre et de travailler qui n'ont presque rien en commun. Lorsque les uns font 90% de leur chiffre d'affaire sur les ventes à particuliers, les autres réalisent le même pourcentage sur les ventes à marchands. Quand l'un possède un stand à Vaise et une petite boutique en rase campagne, le deuxième travaille à cheval sur Stalingrad et quelques salons, tandis qu'un troisième a pignon sur la rue Auguste-Comte, boutique à la Cité des Antiquaires et quelques mètres carrés en plein air à Vaise. li ne s'agit même pas d'une opposition entre les très gros et les tout petits, ni même d'une incompatibilité entre de supposés "ânes de la brocante" et d'hypothétiques "locomotives de l'antiquité", juste une nuance dans la façon de s'approprier l'objet et de lui trouver l'acquéreur le plus qualifié. Alors, pour ces indépendantistes qui ne pouvaient être tout à fait heureux à Vaise, une poignée de marchands a créé un nouveau lieu, au coeur de Villeurbanne. Ouvert deux matins par semaine, on y croise des professionnels venus de Paris et de l'Europe entière, s'échangent là sans mise en scène aucune "des bouts de bois" qui valent de l'or et se parlent une langue qui n'a rien à voir avec celle du flâneur de Vaise. Temporaire aussi, le lieu en question a quelques velléités de réimplantation, non loin de l'ex-Feyssine. Et ce retour sur les terrains historiques de la brocante pourrait à nouveau bousculer le calendrier. Source : "La chine s'éveille" / Sophie Bloch in Lyon Figaro, 8 octobre 1993, p.1 et 3.

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